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#1. Attente

A travers ce premier thème nous allons explorer une notion primordiale dans la pratique du surf, l'Attente. Les compositions photographiques sont accompagnées d’un texte de Gibus de Soultrait , surfeur, écrivain et journaliste (Il dirige notamment la version française de la revue américaine  Surfer’s Journal).

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Type. Exposition
Medium . Vieux papiers, photos, polaroïds
Date. 20 sept.  → 19 nov.  2020

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​Le surf fait appel à la persévérance.
La persévérance est une chance

et la chance est une danse.

La chance au bout de l’attente

et la danse pour la rencontrer.
 

“ L’attente, c’est le temps qui passe. Quelle qu’elle soit, elle est l’expérience souvent limite de notre impatience à ne pas se mouvoir, de notre incertitude à ne pas savoir. Combien de temps à attendre ?! Qu’est-ce qu’on attend encore ?! Souvent le corps trépigne, l’esprit divague, s’angoisse... Le temps fuit et nous avec. Insoutenable, imparable.


Comme on n’arrête pas le temps, on n‘arrête pas l’attente finalement. Toute une vie à attendre ! Et pourtant, et c’est bienheureux, il y a toujours quelque chose qui se passe au bout de l’attente, il y a toujours quelque chose qui se passe dans l’attente. Comme si alors l’attente nous sortait du temps qui fuit, qui coule, pour nous atteler au présent qu’elle est, à l’immersion dont elle nous recouvre, à l’observation qu’elle éveille, à l’enthousiasme qu’elle suscite. Comme si attendre c’était entendre. Indistinctement le fait d’attendre devient alors celui d’entendre.

Toute activité humaine est tissée d’attente. Pas une action sans l’attente de sa finalité, en fin de journée comme dans l’espoir d’un grand soir. Ou sinon on est une machine, sans plus d’inquiétude, ni de finitude. Pourtant notre monde moderne, toujours pressé d’agir, de produire nous destitue d’avoir à attendre, d’avoir à entendre en nous sommant de toujours nous activer, en nous assommant perpétuellement d’objets, d’informations, de technologies, de connexions, de data... pour combler notre attente dans un artifice du temps visant à compresser celui-ci pour mieux le fuir, lui et sa finalité, la mort... Finalement un processus morbide et dont on ressent de plus en plus tristement l’issue dans ce qu’on ose entendre de ce qui nous attend... à ne pas entendre notre planète, par exemple.


Mais rien n’est perdu, loin de là. Juste (ré)apprendre à attendre (donc à entendre) dans le flot de ce qui nous arrive et qu’on ne sait pas. Comme le surfeur, réduit à attendre, dans son humilité et son enthousiasme à prendre la vague... Cette vague qu’il faut entendre.


Le surf ne laisse aucune place à l’impatience. C’est la vague qui décide, tout autant imprévisible que fatale, tout autant impromptue qu’opportune. Le surf fait appel à la persévérance et donc à l’attente. Surfer, c’est attendre.

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Sur une heure de surf, éventuellement deux, trois, quatre vagues surfées, soit quelques dizaines de secondes d’action finalisée pour le reste du temps être en attente de rien de certain. Donc là, le temps qui fuit ne rime à rien. N’aboutit à rien. Inutile de se presser ou de se stresser. Obligé de vivre autre chose, de se laisser aller à autre chose, là où justement attendre s’attèle à entendre. Là où l’attente, étonnamment, nous sort du temps.


Le surf fait appel à la persévérance. La persévérance est une chance  et la chance est une danse. La chance au bout de l’attente et la danse pour la rencontrer.


Le surf est une incessante ingratitude. On peut s’exciter et noyer l’impatience en rêvant des vagues ou même en les pronostiquant outils météo aidant, mais une fois rendu à elles, une fois dans l’océan face à elles, il n’y a plus rien qui tienne. La houle n’a pas d’heure, le placement n’a pas de radar, le déferlement est affaire d’ajustement, tout autant réussi que raté. Avec les autres surfeurs, la convivialité confine à la rivalité.

 

L’attente sème le doute, peut conduire à l’énervement, mais transparaît cependant en elle un mouvement du corps, de l’esprit où c’est l’océan qui mène la danse. Où c’est la vague qui vient à soi comme la résultante d’un rythme à prendre... loin de toute attente. Le temps ne fuit plus. Le mouvement se fait entendre. La rencontre se manifeste. La vague déferle, le surfeur avec. Fruit de l’attente, le surf devient une réjouissance.
 

Le surf nécessite sa part d’amour par l’attente qu’il oblige et la réjouissance qu’il engendre. Même pour celui qui prend plein de vagues et qui sort de l’eau encore pas content. Incapable d’attendre. Incapable d’aimer. Réduit au temps frustrant qui fuit, sans rien voir dans la lueur floue de ce que se fait attendre, de ce qui se fait aimer.
 

Quand tout est impalpable, quand tout est incertain, quelle ligne, quel signe de ce qui vient et qu’il faut attendre, quelle sinuosité de ce qui advient et dont il faut entendre la venue, cette vague à prendre, ce rythme à tenir, ce geste à avoir ? Rien ne le dit d’avance, et aucun surfeur n’échappe au risque d’attendre... à l’exemple de celui/celle qui apprend à attendre en ne s’échappant pas du risque d’aimer.”

— Gibus de Soultrait
surfeur, écrivain, journaliste
 

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